Description

Lors du séminaire "Transitions environnementales et territoires" organisé par l’Agence nationale de la cohésion des territoires et le programme ESPON, Michel Dachelet, Inspecteur général du Département de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme au Service Public de Wallonie, a partagé des stratégies exemplaires en matière de transition territoriale. À travers une réflexion approfondie sur l’utilisation des sols, la mobilité et l’adaptation au changement climatique, son intervention met en lumière des enseignements précieux pour d’autres régions européennes confrontées à des défis similaires.
Concepts clés
- Zéro artificialisation nette (ZAN) : Objectif visant à stopper la conversion des espaces naturels et agricoles en zones urbanisées afin de préserver la biodiversité et limiter l’impact environnemental de l’aménagement du territoire.
- Ville du quart d’heure : Modèle d’urbanisme qui repose sur la proximité des services essentiels (écoles, commerces, transports, espaces verts), accessibles en moins de 15 minutes à pied ou à vélo, pour limiter l’étalement urbain et la dépendance à la voiture.
- Approche bottom-up en aménagement : Stratégie qui privilégie la participation des acteurs locaux et des citoyens dans la prise de décision, plutôt qu’une régulation imposée de manière descendante par les autorités centrales.
- Résilience territoriale : Capacité d’un territoire à anticiper, s’adapter et se reconstruire face aux crises environnementales et climatiques, notamment à travers des politiques d’urbanisme intégrant la gestion des risques naturels.
- Planification intégrée du territoire : Méthode qui associe urbanisme, mobilité, adaptation climatique et développement économique dans une vision cohérente, afin d’optimiser l’aménagement des espaces urbains et ruraux.
Les défis environnementaux en Wallonie : une double transition en cours
La Wallonie, à l’image de nombreuses régions européennes, fait face à une transformation territoriale profonde. Selon Michel Dachelet, cette transition repose sur deux piliers majeurs :
- L'utilisation des sols et l’artificialisation : l’objectif de zéro artificialisation nette est au cœur des politiques publiques. Il implique une régulation accrue de l’urbanisation et des infrastructures afin de préserver la biodiversité, limiter l’érosion des sols et améliorer la qualité de l’eau.
- La réduction des gaz à effet de serre par la mobilité : l’un des enjeux majeurs réside dans la limitation de l’étalement urbain, en favorisant une organisation du territoire basée sur la centralité. L’ambition est de développer des villes et villages où les services essentiels sont accessibles en dix minutes à pied ou à vélo pour réduire la dépendance à la voiture et favoriser les mobilités douces.
« Il est crucial d’identifier les zones où ces solutions sont applicables, en assurant une cohérence entre logements, services de proximité et infrastructures de transport », souligne Michel Dachelet.
Transition environnementale et implication citoyenne : un parcours progressif
Historiquement, les politiques d’aménagement du territoire en Wallonie ont suivi une approche descendante (top-down). Les premières initiatives, lancées dès les années 2000, ont été perçues comme contraignantes par une population peu préparée à ces changements.
« La transition environnementale est un processus évolutif. Avec le temps, la sensibilisation et la compréhension des enjeux ont progressé, facilitant l’acceptation des mesures », explique Dachelet.
L’approche actuelle privilégie désormais l’implication des citoyens et des acteurs locaux au travers de consultations publiques et d’outils de diagnostic régionaux pour ajuster les politiques en fonction des réalités du terrain.
Collaboration européenne et spécificités wallonnes
Bien que la Wallonie partage des problématiques communes avec d’autres régions européennes, elle se distingue par son héritage urbanistique. Dans les années 70-80, la Belgique a instauré un zonage réglementaire étendu, laissant aujourd’hui à la Wallonie des surfaces urbanisables trop importantes. Si en Flandre, la réduction de ces zones a été imposée par des restrictions coûteuses, la Wallonie a opté pour une approche plus souple, reposant sur la mise en valeur des centralités et des incitations à une urbanisation maîtrisée.
« Nous avons appris qu’une approche uniquement réglementaire ne fonctionne pas. La clé est une approche bottom-up, une implication accrue des communes et des acteurs locaux, avec un cadre régional fort pour garantir une vision cohérente du territoire », précise Michel Dachelet.
Cette approche est en ligne avec les principes du Pacte vert européen, qui encourage les solutions adaptées aux réalités locales et vise une transition durable à l’échelle du continent.
Les inondations récentes : une prise de conscience politique et sociétale
Les événements climatiques récents ont profondément marqué la Wallonie. Les inondations ont agi comme un électrochoc, accélérant la mise en œuvre de mesures ambitieuses.
Ces catastrophes ont révélé les limites d’une planification inadaptée aux risques climatiques et ont suscité une volonté politique plus forte pour anticiper ces enjeux. Les inondations ont profondément remis en question les politiques d’aménagement, conduisant à une intégration plus rigoureuse des risques climatiques dans la planification territoriale. Elles ont également accéléré le développement d’outils de diagnostic plus précis pour mieux identifier les zones vulnérables. Cette prise de conscience a aussi encouragé l’adoption de stratégies d’urbanisation plus strictes afin de limiter l’exposition aux catastrophes naturelles et renforcer la résilience des territoires.
« La nécessité de transition n’est plus un débat. Les citoyens, auparavant réticents, soutiennent aujourd’hui des mesures plus radicales », constate Michel Dachelet.

Une transition territoriale à co-construire avec l’Europe
L’expérience wallonne montre que la transition environnementale et territoriale nécessite une vision à long terme, une collaboration entre tous les niveaux de gouvernance, et un engagement citoyen renforcé.
En s’appuyant sur des analyses territoriales comme celles produites par ESPON, en intégrant les leçons des crises climatiques récentes et en développant des solutions adaptées aux réalités locales, les régions européennes peuvent bâtir des territoires plus résilients et durables.
La transition est un défi collectif, mais elle représente également une opportunité de repenser nos territoires de manière plus inclusive, écologique et efficace.
« L’Europe joue un rôle clé dans ce processus en apportant expertise, financement et vision stratégique. La transition est en cours, et chaque territoire doit y contribuer à son échelle », conclut Michel Dachelet.