Description
Soigner les cultures maraîchères grâce aux bio-pesticides : tel est le but affiché par le projet « Phytobio ». Ce dernier est né d'un constat simple : de part et d'autre de la frontière franco-belge, les agriculteurs français, wallons et flamands cultivent souvent les mêmes légumes, sur des terres aux particularités idoines, et connaissent des conditions météorologiques semblables. Naturellement, leurs problématiques se croisent : comment mieux défendre les produits issus de l'agriculture, qu'elle soit biologique ou conventionnelle ? Comment éviter l'utilisation des produits chimiques, sachant que de nombreuses études scientifiques ont démontré une corrélation entre l'utilisation de pesticides de synthèse et un risque accru de contracter des maladies cancéreuses ou neurodégénératives de type maladie de Parkinson ? Réponse : en mutualisant et en associant leurs compétences !
Dans les deux pays, des centres de recherche appliquée travaillaient déjà à ces questions... de manière isolée. « Nous nous rencontrions souvent lors de congrès scientifiques, mais nous n'arrivions pas à travailler ensemble », raconte Philippe Jacques, professeur et responsable de la plate-forme technologique agro-alimentaire à Polytech Lille, l'université coordinatrice du projet Phytobio. « Alors un jour, nous avons décidé de saisir l'opportunité, et de nous asseoir autour d'une table pour collaborer à un projet commun ». En 2010, Phytobio était lancé, financé par le programme INTERREG IV France-Wallonie-Vlaanderen.
Les sept partenaires - 5 universités, 2 centres de recherche appliquée ? associés à 1 syndicat d'agriculteurs originaires de France, de Flandre et de Wallonie, ont ainsi travaillé de concert pour développer une solution originale et naturelle afin de protéger les plantes contre les maladies et de développer une agriculture plus durable.
Comment ça marche ?
Dans un premier temps, les chercheurs ont sélectionné des molécules et des micro-organismes producteurs de ces biomolécules capables de réduire de façon significative l'action de différents phytopathogènes en étudiant leur mode d'action.
Un nombre limité de molécules a été alors retenu afin de concevoir des formulations biologiques efficaces, applicables pour divers végétaux et écologiquement compatibles. Une fois validées, ces molécules sont appliquées en champs, vignobles ou en serres pour la protection de plusieurs plantes et cultures d'intérêt qui concernent les régions transfrontalières et adjacentes telles que le blé, la vigne, le poireau et la laitue. Ces nouveaux produits phytosanitaires d'origine biologique offrent des traitements qui peuvent se substituer aux traitements chimiques traditionnels. Ils présentent donc des performances intéressantes pour les entreprises locales transfrontalières. Parallèlement, les étudiants de Master des établissements français, flamands et wallons concernés peuvent se spécialiser dans le domaine des moyens de lutte alternatifs contre les maladies des cultures et de l'obtention de nouveaux produits efficaces dans ce domaine.
Résultats :
Le projet Phytobio a une visée scientifique indéniable.
Les chercheurs ont ainsi mis en évidence quatre nouvelles molécules potentiellement actives produites par des bactéries du genre Pseudomonas, deux molécules produites par Paenibacillus polymyxa et une molécule produite par Burkholderia ambifaria.
Ils ont également développé un procédé de production de différentes molécules synthétisées par une autre bactérie Bacillus subtilis et démontré l'activité en bioincubateur de certaines d'entre elles contre différents phytopathogènes en particulier les champignons Bremia lactucae sur laitue et Blumeria graminis f. sp. tritici sur blé.
A ce stade, des essais aux champs contre des phytopathogènes de différentes cultures maraichères ont été réalisés. Une efficacité des lipopeptides a pu être démontrée dans ces conditions contre le Fusarium culmorum chez le poireau, contre le Botrytis chez la vigne et contre le Bremia chez la laitue. Ils ont aussi développé différents protocoles pour étudier plus en détails l'écotoxicité de ces molécules et leur mécanisme d'action. Concernant ces derniers, les chercheurs ont démontré un effet positif de ces molécules sur la colonisation des racines par les micro-organismes producteurs, un effet inhibiteur direct de la croissance des pathogènes et enfin une capacité d'induction des mécanismes de résistance des plantes contre les phytopathogènes.
Parallèlement, il comporte aussi un volet humain et relationnel non négligeable portant sur la coopération transfrontalière. Auréolé du prix « Projet stratégique Interreg IV » pour la qualité du travail coopératif et transfrontalier réalisé, Phytobio a également permis de former plusieurs dizaines d'étudiants à la problématique des biopesticides - qui pèsent toujours moins de 3 % du marché mondial - et de sensibiliser de nombreux agriculteurs à leur utilisation. Sur le même principe, des échanges d'étudiants et d'enseignants entre les différents partenaires ont été organisés ainsi que des modules de formation.
Dès lors, les retombées pour la population sont visibles en termes d'emploi (une entreprise, Lipofabrik, a été créée en 2012 par Arnaud Delecroix à Polytech-Lille, et des fonds seront levés et la recherche de partenaires industriels est déjà lancée), de santé et de bien-être.
Chiffres clés
- 4 régions, 5 universités (Lille 1- Sciences et Technologies, Gand, Liège, Reims Champagne-Ardenne, Littoral Côte d'Opale)
- 2 centres de recherche appliquée (centre provincial de la recherche appliquée des cultures maraîchères et Inagro)
- 1 syndicat d'agriculteurs originaires de France, de Flandre et de Wallonie (Le GABNOR, association de développement de l'Agriculture Biologique, rassemble les agriculteurs biologiques et bio-dynamistes du Nord - Pas de Calais).